On se le met dans la poche

L’académie des verbes qui manquent, qui endémie à la Réunion depuis deux ans, vient de commettre le deuxième tome de son dictionnaire éponyme. Une parution qui s’accompagne d’une jolie reconnaissance en métropole.

Ils sont cinq. Ils sont journaliste, graphiste, philosophe. Et ils aiment les mots, la langue, le verbe, les verbes, les valises et les tiroirs. Bref, tout ce qui permet de revitaliser le contenu un brin poussiéreux des dictionnaires, en faisant de la vivification de la langue tout à la fois une poilade et un exercice quotidiens.

Ils, ce sont les académiciens des verbes qui manquent. De drôles de mousquetaires littéraires qui emmerdent la rigueur intransigeante de Maître Capello et le bon usage pour leur préférer son homonyme footballistique (Fabio). Question d’art du passement de jambe lexicographique et du contre-pied sémantique.

Ça a démarré autour d’une table et de quelques verres. Cela s’est propagé par mail au gré de chaque trouvaille qu’ils ont fait «internaître». Au point degénérer un blog et un premierouvrage collectif auto-édité auxéditions Du même nom. Il fallait le trouver. Cinq euros, un format de poche de mini-jupe, un graphisme soigné porté par les créations de Kid Kréol. Il n’a fallu que quelques mois pour épuiser le premier tome de cet Ovni – objet verbal non identifié – auquel chacun peut contribuer, pourvu que ces verbes néologisés ne soient pas trop« capillotractés » (tirés par lescheveux).

Un verbe, une traduction, parfois quelques synonymes et surtout des exemples d’usage qui ne se prennent pas au sérieux constituent la charte lexicologique de ce dictionnaire inédit qui fait des émules ici et ailleurs (voir par ailleurs).

On saintleuse mais seulement à l’oral

Tirés d’adjectifs, de locutions, ou bien détournés de leurs rails, mais tournant volontairement la page aux «verbopatronymes», «vernacularismes» et autres « géoverbismes » (on peut saintleuser le week-end,mais uniquement à l’oral) les verbes qui manquent inventent, ouvrent de manière ludique des champs insoupçonnés de l’horizon linguistique ou économisent notre salive (un seul verbe vous manque et la phrase s’allonge) à l’image de ce très beau « distingosaluer» qui permet d’économiser papier et clavier en fin de lettre.

Dans le premier tome on « adipe » pour faire du gras, on «australe» quand on met cap sur le sud, on « bovarit » quand on supporte la routine domestique avec le sourire, on « cécuèfde » quand on démontre avec brio, on « chabadabade »quand on court en couple et au ralenti sur une plage, on «consensue» quand, à force de transpiration, on finit par tomber d’accord ou bien on «curriculumvite » quand on raconte sa vie sur format A4.

Dans le tome II, la même recette est à l’œuvre avec le soutien graphique de Boogie cette fois, histoire de remettre au goût du jour cette vérité deFrédéric Dard qui veut que « le verbe est le ferment de la phrase ». Avant d’arriver à une annexxxxe interdite aux moins de 18 ans qui recense quelques verbes qui lubriquent, le lecteur croisera quelques perles comme «adultaire» (extraconjuguer en silence), «amir» et«désamir» parce qu’il faut bien vivre avec son temps,«dordîner» (se coucher sans manger), «ertéter» (travailler moins pour se reposer plus),«hypermarcher» (marathoner dans les grandes surfaces) ou bien encore «hermafrauder» (abuser d’une double identité biologique).

On picore, on zappe et on se marre avec ce dico qu’on se met illico dans la poche en rejoignant inconsciemment cette petite fabrique de verbe. Tiens, transitaire, c’est pas mal pour vivre ses transports amoureux en silence ?


Vincent PION
Le Quotidien de la Réunion – dimanche 28/11/1010

 

On peut retrouver le dictionnaire des verbes qui manquent sur le blog (www.ddvqm.com) ou bien sur sa page facebook qui compte 1960 personnes qui aiment ça. A ce jour plus de 2 000 verbes constituent ce lexique verbal.

L’édition nationale du dictionnaire, sortie le 4 novembre est déjà en rupture de stock. Un deuxième tirage est en cours.


Ca buzz en métropole

La sortie de ce deuxième tome s’est accompagnée d’une édition nationale aux éditions Chiflet, éditeur parisien qui a fait de l’humour et de la langue française son fonds de commerce.

DICTIONNAIRE DES VERBES QUI MANQUENT

Chifflet &Cie

  • Broché : 157 pages
  • Sortie : 4 novembre 2010
  • ISBN-10 : 2351641248
  • Dimensions : 12,7 x 1,4 x 17,9 cm

Sur Amazon

Envoyé par une amie réunionnaise, Jean-Louis Chiflet a flashé en mars dernier sur le premier tome de ce petit dictionnaire qui pilepoile avec sa ligne éditoriale.

L’académie «publicitée»

Sorti le 4 novembre à 2 500 exemplaires, le DDVQM national a connu un départ sur les chapeaux de roue. En rupture de stock, un deuxième tirage est d’ailleurs déjà en cours pour répondre à une demande générée par un joli buzz médiatique.

En dehors de chroniques enthousiastes, notamment sur Europe 1, dans France Soir et au Figaro Littéraire, le dictionnaire des verbes qui manquent a eu les honneurs de France 2 chez Michel Drucker lors de l’émission Vivement Dimanche il y a quinze jours. Plus de quatre millions de spectateurs, Claude Sérillon comme  ambassadeur :  l’académie réunionnaise a été « publicitée » pendant quatre minutes. De quoi «allégrer» sanscompter.

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